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Fusion Maison des Artistes / Agessa : « A new generation » – Episode 3

VI. Quelques réflexions complémentaires du rapport

A. Sur la dualité des « deux » Maison des Artistes

Plusieurs pages relatent la problématique de l’existence de la Maison des Artistes et de l’association pour la Maison des Artistes. Des rapports IGAS et IGAC de 2004, 2005 puis 2009, préconisaient pratiquement la même chose que ce rapport 2013.
C’est pratiquement et systématiquement en raison du refus de l’association pour la Maison des Artistes que rien n’a changé.
Cette situation est entrainée par l’existence de « deux légitimités, deux présidents, une situation ambiguë et porteuse de conflits potentiels ou réels »… « Tout ceci sans profiter aux artistes auteurs, mais consommateurs de temps et d’énergie, générateurs de dysfonctionnements, de tensions… ».

B. Sur les pratiques différentes de la Maison des Artistes et de l’Agessa

Nous y revenons régulièrement : être soit assujetti ou affilié sème la confusion. De plus, entre une Maison des Artistes qui affilie obligatoirement au bout d’un an d’assujettissement (à condition de remplir les conditions d’affiliation) et une Agessa où l’on peut rester toute sa carrière en tant qu’assujetti sans jamais être contraint d’être affilié (d’où l’absence de cotisation à l’assurance vieillesse) : il va falloir trancher.
La situation actuelle a donné naissance à cette énorme distorsion entre assujettis et affiliés auprès des deux associations (chiffres 2012).

Maison des Artistes :
– assujettis : 22426,
– affiliés : 29795.

Agessa :
– assujettis : 191075
– affiliés : 14083

En rendant obligatoire l’affiliation et la cotisation à l’assurance vieillesse (probablement par voie de précompte) cette problématique n’existera plus… et c’est tant mieux.

On peut simplement se poser la question sur les critères d’affiliation qui relèveraient désormais de la nature de l’activité et ouvriraient la porte à de nouveaux et nombreux abus.

C. Sur le périmètre du régime

Le régime des artistes auteurs en France est à la fois très particulier et très favorable. L’artiste auteur est un indépendant, sans lien de subordination mais il relève de par son régime social de la sécurité sociale des salariés.
Il est à remarquer que les charges sociales sur les salaires se montent à environ 75%, sur les indépendants 45%, sur les artistes auteurs 21%… Cette mise en lumière permet de comprendre qu’il faut et faudra encore contrôler le périmètre du régime et éviter les abus qui sanctionnent les artistes auteurs et la caisse d’assurance sociale.
Les rapporteurs font remarquer que ces dérives touchent particulièrement les photographes qui, avec des statuts divers et variés et une évolution technologique de diffusion (dématérialisation et multimédia) sont les grands gagnants/perdants du système (voir ma fiche « les obligations comptables, fiscales et sociales des photographes »).

Enfin, aux prétendants au royaume des artistes auteurs, les rapporteurs semblent, sous certaines conditions, donner une suite favorable aux sous-titreurs pour les sourds et malentendants, les designers et les artisans d’art (dont l’exclusion relève d’une circulaire de 1981, soit plus de 30 ans !).

D. Sur le niveau insuffisant de contributions diffuseurs

La commission ne s’engage pas sur le débat relatif au soutien de la création artistique par un régime social favorable. Toutefois elle fait remarquer qu’avec actuellement une contribution diffuseurs de 1,1% au regard des 32,80% pour les employeurs, il reste de la marge.
Une phrase a retenue mon attention et si la recommandation était appliquée, elle déclencherait irrémédiablement l’ire des galeries, banques d’images et autres agences de communications.
En effet, la commission recommande que, « pour l’avenir et progressivement, il serait judicieux de faire progresser le taux de la contribution diffuseur, afin de se rapprocher, en partie, des taux du régime général. Peuvent aussi être envisagées des pénalités fortes en cas de manquements de diffuseurs à leurs obligations. »

E. Sur la complexité de la retraite complémentaire

Selon les activités que vous exercez, vous relèverez d’une caisse commune, l’IRCEC, mais aussi de trois régimes : le RAAP, le RACL, le RACD.

Il faut unifier ces régimes, mais les rapporteurs vont plus loin, puisqu’ils proposent un recouvrement des cotisations directement par la prochaine et nouvelle caisse d’assurance sociale des artistes auteurs.

VII. Les omissions et la conclusion

Si je ne suis pas surpris par l’ensemble des propositions du rapport qui coulent de source et sont attendues depuis longtemps, certaines me surprennent, pour d’autres je n’y contribue pas et puis il y a quelques omissions.

Ainsi, vouloir faire entrer, dans le régime social des artistes auteurs, les designers et les artisans d’art, semble être surprenant.
Jusqu’à ce jour, il y avait une certaine similitude entre les assujettis/affiliés à la Maison des Artistes et à l’Agessa et l’éligibilité au titre des droits d’auteurs.
Les designers relèvent des droits voisins (certes proches), mais ce n’est pas du droit d’auteur. L’exploitation de leurs créations se fait sous forme de redevances commerciales et non de droits d’auteurs.
Tout ceci me laisse présumer pour l’avenir de nouvelles problématiques juridiques. Il va sans dire qu’il s’agira de modifier du Code de la Propriété Intellectuelle et le régime fiscal des designers et artisans d’art.

Les designers relèvent des BNC (Bénéfices non Commerciaux), la tâche sera peut-être plus facile que celle concernant les artisans d’art qui relèvent eux des BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux).
J’ai peine à croire d’ailleurs que les marquetteurs, les potiers, les souffleurs de verre et autres artisans d’art puissent être considérés comme des artistes auteurs.

Ce qui me surprend les plus et auquel je n’adhère pas c’est l’entrée et l’adhésion des sous-titreurs pour malentendant au régime social des artistes auteurs. Certes, il s’agit au démarrage d’une activité intellectuelle, mais elle se traduit par une activité « physique » qui consiste à « traduire » en « live » le texte dit par un présentateur, entre autre.
Dans ce cas, les traducteurs interprètes, les présentateurs… tous ces métiers pourraient revendiquer le régime social des artistes auteurs !
Le Code de la sécurité social est très clair sur ce point, il s’agit d’un emploi salarié.

Je soulève une problématique concernant le recouvrement de l’assurance vieillesse par le biais du précompte. Je rappelle que le précompte est un « acompte » de cotisations qui est calculé sur la base du chiffre d’affaires alors que les cotisations définitives sont calculées sur le bénéfice réel (BNC) ou théorique (micro BNC, soit après un abattement de 34% sur le chiffre d’affaires). Il va y avoir des calculs supplémentaires et des contrôles impossibles de la part des artistes auteurs….à moins, que sous le couvert d’un régime favorable, on change la base des cotisations….
Quant à la retraite complémentaire pourquoi certains payent un forfait annuel RAAP alors que d’autres s’acquittent des cotisations proportionnelles (RACL, RACD). Comment fera la nouvelle caisse pour gérer cela ? Ne vaut-il pas mieux rendre fixe ou proportionnelle pour tout le monde la retraite complémentaire ?

Ceci m’amène aux deux grands points non repris par les rapporteurs :

=> Pourquoi ne pas abandonner purement et simplement la notion de précompte et faire comme pour le RSI (Régime Social des Indépendants, donc les libéraux qui relèvent de l’URSSAF), recouvrir les cotisations par appels trimestriels avec une base forfaitaire minimum provisionnelle puis un ajustement annuel ? Gain de temps, gain de calculs, versement immédiat des cotisations, moins de travail pour les diffuseurs, sans pour autant les soustraire à leur contribution diffuseur, et clarté des cotisations… Bref, la méthode a fait ses preuves avec l’URSSAF et mérite d’être étudiée pour le régime social des artistes auteurs.

=> Que devient l’Accre dans tout cela sachant qu’elle n’a jamais été possible pour les artistes auteurs qui sont pourtant des créateurs d’entreprises ! Vous me direz qu’il est possible d’avoir l’Accre et je vous répondrais : oui en effet, mais avec le décalage des cotisations et une période d’application différée de six mois, votre Accre ne s’applique pas.

Pour conclure, je dirais que ce rapport n’a rien de révolutionnaire mais relève du bon sens. Organismes et réglementations obsolètes eu égard aux nouvelles technologies et nouvelles façons de travailler, l’Agessa et la Maison des Artistes, méritent d’être dépoussiérées et cela passera par cette fusion.

Il s’agit maintenant de surveiller le projet de loi, de voir ce qui sera retenu et ce qui sera abandonné et d’apprécier les conditions de son application. C’est sans compter sur mon rôle d’informateur dans cette longue histoire de fusion….sachez-le, je reviendrais certainement ! (I’ll be back, pour les connaisseurs).

Eric-HainautEric Hainaut
Expert-Comptable

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